lundi 3 août 2015

Patti Smith, Sainte icône du punk. Une certaine idée de la révolution (24heures.ch)





Samedi à Paléo, l'américaine a réussi à haranguer la foule jusqu'à la transe avec Horses, son album de 1975. En état de grâce, les nerfs en fleurs.



Patti Smith et son timbre, son phrasé et la rage brute des textes de son premier album, Horses, ont été scandés jusqu’à l’essoufflement, samedi soir, sur la scène des Arches. Et ont suffoqué plus d’un auditeur.

Après les papouilles folk d'une touchante - et quelque peu soporifique - Joan Baez sur la Grande Scène, le long poème fleuve de celle qui réinventa l'hystérie rock dans l'Amérique des seventies, a transfiguré un public qui ne s'attendait pas à assister à un puissant rite chamanique.

Elle est désarmante, Patti Smith. Capable de bouleversement intense quand elle chante, quand elle parle, quand elle se trompe. Quand elle détruit les cordes d'une guitare sur My Generation des Who, aussi. Elle la chantait déjà quatre décennies plus tôt, alors que sortait son premier album de légende, écrit au Chelsea Hotel, à New York. «Ce sont les cordes de la liberté, hurle-t-elle à un ciel qui devient bleu électrique, en secouant sa chevelure argentée. N'ayez pas peur! Et la liberté, c'est le rock'n'roll.»

Associée à des génies maudits de la contre-culture américaine comme Allen Ginsberg, ou Robert Mapplethorpe, c'est elle, avec son savant mélange de rage sublime et de virginale vulnérabilité qui a profondément marqué la génération Sonic Youth, PJ Harvey ou R.E.M.

Sur scène, la Cassandre du punk américain prend des pauses, crache, se retourne sur elle-même, danse. Les morceaux se succèdent dans un tourbillon émotif, entre hurlements du public extasié et visages trempés de larmes. Elle assimile et recadre toute une iconographie religieuse dans ses gestes, l'utilisant comme moyen d'expression en poussant l'auditeur à s'interroger sur son âme. Si elle existe, elle doit forcément hurler à la révolution des sens par le rock.

Horses, Face A et Face B

Comme un pasteur face à ses fidèles dans une tente plantée dans le désert, accompagnée par Lenny Kaye et Jay Dee Daugherty, membres du Patti Smith Group, Tony Shahanan et son fils Jackson, elle accueille tout le monde, les pêcheurs, les perdus, même les festivaliers qui ignorent de participer à une kermesse qui restera dans les annales du Festival. Avec Redondo Beach, Birdland et Gloria elle prend le spectateur par la main et lui montre ce que c'était la révolution des années 70. Sur Free Money elle peste sur ce futur qu'on devrait chérir, cajoler, respecter, au lieu de le laisser agoniser dans un coin. Elle émeut jusqu'aux larmes quand elle scande les noms de ses amis disparus, en donnant encore plus de sens au morceau Elegie. Dans sa liste, Mapplethorpe, le fils de Nick Cave récemment décédé, les Ramones, Lou Reed. Puis elle revient dans le présent et te dit que oui, aujourd'hui aussi, on peut tout changer.

Rejointe sur scène par une dansante Joan Baez au foulard rouge sur People Have The Power, à 69 ans, Patti Smith est la preuve vivante que le punk est encore là. Vibrant, en sueur, un peu fatigué, mais toujours en vie.

Sophie Grecuccio, 24heures.ch le 27 juillet 2015

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