samedi 3 octobre 2015

New Order. « Cet album est une transfusion sanguine nécessaire » (Humanité Dimanche)

Le groupe de Manchester, né en 1980, revient aux affaires. Après 10 années de tournées à travers le monde, notamment un passage en 2012 à la Fête de l'Humanité, New Order publie enfin un nouvel album « Music Complete ».

Onze titres résolument dansants et modernes. Preuve que le groupe, malgré le départ en 2006 de Peter Hook, un de ses membres fondateurs, sait demeurer créatif. Entretien avec Tom Chapman, bassiste, Phil Cunningham, guitariste, et Bernard Sumner, chanteur et guitariste.



HD. Dix ans après « Waiting for the Siren's Call », New Order revient avec « Music Complete ».

Tom Chapman. Dix ans, déjà ? Nous n'avons pas vu le temps passer. Il faut dire qu'en marge des concerts, nous avons tous différents projets.

Phil Cunningham. Ce disque est important. Jouer dans le monde entier donne de l'inspiration. Nous avions besoin d'enregistrer, de créer pour soi et pour les autres, car depuis 3 ou 4 ans, nous ne jouons que nos anciens morceaux. Sur scène, il est important d'apporter un nouveau souffle avec de nouveaux titres.

Bernard Sumner. Ce disque est une transfusion sanguine nécessaire au groupe. Il nous apporte l'oxygène indispensable. Chacun a besoin de nouveauté. Nous avons un répertoire conséquent de 500 titres, nous aurions dès lors pu rester avec nos vieilles chansons, mais nous n'aurions plus évolué. Créer est ma vie. Si tu n'écris pas, tu es un simple performeur et non un artiste.

HD. Cet album est également le premier sans Peter Hook, l'un des fondateurs du groupe...

P. C. À l'annonce de son départ, j'étais furieux. Il était le catalyseur du groupe. Je n'ai pas compris sa décision. Il devait avoir ses raisons. Aujourd'hui, nous sommes là et heureux de l'être.

B. S. Ce fut un choc pour le groupe. J'étais partagé entre extase et tristesse. Il a changé, et chacun de nous également. Il voulait contrôler le groupe, que nous jouions à sa manière. Des conflits sont apparus. Peter est un être complexe, difficile à analyser. Ma seule certitude est que l'on change en vieillissant.

T. C. Avec ou sans lui, la majorité des fans continueront de nous suivre. New Order existe et demeure le plus important. Il faut reconnaître qu'il a fait un travail extraordinaire.

HD. La tonalité est plus électro. Est-ce une manière de vous réapproprier les sonorités des années 1980 si en vogue aujourd'hui ?

B. S. Il n'existe pas de son « eigh-ties ». Ce n'est que de la mythologie et du commerce. Les trois précédents disques étaient axés sur le duo guitare-basse. Nous voulions un album électro, davantage « dance music » comme l'ont pu être dans le passé des morceaux comme « Ceremony », « Regrets » ou « Cristal ». Le processus est beaucoup plus long et fastidieux. Avec une guitare, tu t'assois et tu joues. L'électronique te permet de toucher l'infini.

P. C. Aujourd'hui, on parle davantage du revival 1990, non (rires) ? Les groupes ne cessent de s'influencer les uns les autres. J'ai le sentiment d'assister à une masturbation intellectuelle et à un grand bazar.

HD. Au point de rendre hommage à l'italo-disco sur le titre « Tutti Frutti » ?

T. C. Ce morceau te fait voyager en Italie. J'aime à penser qu'il reflète l'humeur d'un Italien. Ce sont les Chemicals Brothers qui ont eu l'idée de donner cette direction au morceau. À dire vrai, je ne sais même pas s'il s'agit vraiment de l'italien.

HD. Iggy Pop figure sur le titre « Stray Dog ». Comment est née cette idée de collaboration ?

P. C. L'idée générale du disque était de réaliser des collaborations. Par le passé, nous avons déjà eu la chance de travailler avec lui. Nous sommes régulièrement en contact. Ce morceau provient d'un poème de Bernard réalisé lors d'une période mélancolique. Il a été écrit en pensant à Iggy. Quoi de plus naturel dès lors que de faire appel à lui ? En trois prises, le titre était enregistré. Quel personnage, ce Iggy !

B. S. Iggy Pop est notre héros. Je l'ai découvert par le biais de Ian Curtis (membre de Joy Division disparu en 1980 ­ NDLR). Ian m'avait dit : « Écoute ça ! » Il s'agissait de la période Berlin d'Iggy, avec Bowie. D'emblée, je l'ai trouvé extrêmement brillant. Nous nous sommes rencontrés récemment à New York et il a tout de suite accepté. Le travail s'est fait naturellement, comme pour les autres collaborations : nous avons croisé en tournée des artistes comme Brandon Flowers ou La Roux. Le contact est très vite passé. Du coup, ils chantent eux aussi sur l'album.

HD. Le titre « Nothing but A Fool » pourrait être du Joy Division. On retrouve un jeu de basse et de guitare analogue. Est-ce une manière de rester en contact avec le passé ?

P. C. Que dire ? Je t'accorde que ce morceau ressemble à du Joy Division. Ce n'était pas intentionnel de notre part. Il y a aura toujours du Joy Division en nous car c'est notre histoire. Et elle est impossible à oublier.

B. S. Je ne pense pas que ce morceau entre dans la légende de Joy Division. Enfin, je suppose. Mon jeu de guitare est particulier. Je ne peux donc pas nier que je joue de la même manière qu'à l'époque de Ian.

HD. New Order a débuté sous Thatcher. Quel regard portez-vous sur la société britannique ?

T. C. La société a beaucoup évolué. Le contexte n'est plus le même. En dépit des risques terroristes et des difficultés sociales, je nous trouve plus optimistes. Concernant nos fans, ils sont étrangement plus vieux au Royaume-Uni qu'en Amérique du Sud (rires).

HD. La sortie du disque est entourée de mystère. Les informations ont été distribuées au compte-gouttes, y compris auprès des journalistes...

P. C. Nous voulions protéger l'al-bum. Ce fut une décision commune entre le groupe et le label. Peut-être un mélange de paranoïa et de marketing...



    DISCOGRAPHIE.

1981. « Movement ».
1983. « Power, Corruption and Lies ».
1985. « Low Life ».
1986. « Brotherhood ».
1987. « Substance ».
1989. « Technique ».
1990. « Live BBC Sessions ».
1993. « Republic ».
2001. « Get Ready ».
2005. « Waiting for the Sirens' Call ».
2011. « Live at the London Troxy ».
2013. « Lost Sirens » (mini-album).
2013. « Live at Bestival 2012 ».
2015. « Music Complete ».

Entretien réalisé par Lionel Decottignies, Humanité Dimanche le Vendredi, 25 Septembre, 2015

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